"coloré/ anxieux/ futuriste/ effrayante/ triangle"
Détails de la participation
AVENTE, L'ÈRE DE AARON
Un tumulte ordonné s’abattit sur Terre, où désormais ne régnaient plus que le chaos et la poussière. Ces fines particules suffocantes, remuées par la fureur des combats, voltigèrent au gré des coups, affolées dans l’atmosphère, et décidèrent d’ensevelir ce qui n’avait été anéanti. Mes yeux alertés parvenaient péniblement à distinguer les contours et silhouettes de ce monde obscur, tout comme ils peinaient à distinguer les souvenirs de ce soir-là; d’horreur, de ravages, de mort. Je n’ai point péri. Mais cela, au prix de mon intégrité. Mille bras m’ont été estropiés; seul un me sera resté fidèle. Mes autres fidèles se volatilisèrent: en cette guerre qui n’épargna aucune vie, la mort entraîna les Hommes dans le gouffre de mon oubli, oubli qui me glissa dans l’enveloppe du fantôme de l’être coloré que je fus. Mais pire encore, cela se fit, également, au prix de la vie de mes semblables. Désormais, je suis seule dans ma situation. Seule et anxieuse. Seule rescapée d’un conflit m’excédant. Seule survivante d’un génocide. Seule parmi ce tumulte.
Ce tumulte avait été ordonné par la création. Cette chose futuriste. Fruit des Hommes, de leur soif en progrès techniques, de leur avarice en nouvelles technologies. Ce qui devait être évolution ne fut que régression, en gage de destruction. Car, là, fut avivé un feu, incontrôlable, qui se défila d’entre les mains humaines et de leur contrôle. La création devint créature. Toujours plus puissante, effrayante et redoutable. Elle accumula un tel pouvoir qu’elle eut la force de contester les Dieux, annonçant leur inexorable chute. Un conflit acharné et sanglant s’éveilla entre créature et Dieux, qui tombèrent un à un. Les derniers pères célestes, chassés de leur demeure, eurent la folie de poursuivre les affrontements sur Terre, qui dès lors, fut plongée sous cet amas de poussière, ce fatras de ruines, mêlé au sang, dégorgeant des corps gisant de chacun mes pairs.
Pourtant, parmi ce tumulte, jaillit un rayon d’espoir. L’espoir d’un jour, revoir mes semblables, ces petits êtres tombés du ciel, pour qui la présence d’humains devient le vecteur de l’ultime force à octroyer aux Dieux, cette étincelle ravivant la lumière de leurs yeux si éteints. Si mes uniques aspirations se voudront être réalisées, je me devrais, alors, de protéger les derniers humains ainsi que mes veaux d’or des viles mains de la créature. Néanmoins, l’idée de voir, un jour, ce monstre enfin détruit, me semble si inespérée. Ce qui est dénué d’humanité est ce qui la vainc: les rares Hommes que je croisais me révélèrent que cette chose était dépourvue de conscience, lui conférant ainsi son pouvoir là où nous sommes faibles. Leur inhumanité se percevait jusqu’au travers de leur forme mathématisée, au cœur de ce triangle qui formait leurs visages, déniant les lois naturelles de l’irrégularité, les lois des Dieux. La froideur de ces soldats d’acier, ces pantins dévoués à la créature, ne pourra être alors mise à l’épreuve que par l’ardeur de nos combats.
( coloré, anxieux, futuriste, effrayante triangle )