[LIGHT] La Mélodie des Racines Vertes
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La Mélodie des Racines Vertes
Yuki avait dix-sept ans quand Tokyo devint son désert. Chaque matin, elle enfilait son uniforme scolaire comme une armure trop lourde, marchait dans les rues grises où chaque passant semblait porter le même masque d'indifférence polie. Les examens, les attentes familiales, la course effrénée vers un avenir déjà tracé... tout cela avait fini par assécher son âme.
Dans son petit appartement, elle s'asseyait chaque soir devant le vieux piano de sa grand-mère, seul héritage d'un temps où elle savait encore sourire. Mais même la musique lui semblait morte, engloutie sous les fissures de sa solitude.
Un soir de printemps tardif, alors que la fatigue pesait sur ses épaules comme des pierres, Yuki posa ses mains sur les touches avec une lassitude infinie. Elle ferma les yeux et, pour la première fois depuis des mois, joua sans penser aux notes parfaites qu'on attendait d'elle.
C'est alors qu'elle la vit.
Une lueur verte s'échappait de ses doigts, douce et chaude. Dans son esprit fatigué apparut une fillette lumineuse, aux cheveux flottants comme des algues dans un courant invisible. L'enfant qu'elle avait été, avant que le monde lui apprenne à avoir peur de décevoir.
"Tu m'avais oubliée", murmura l'esprit de son enfance.
Autour d'elles, le sol aride de son âme se fissurait. Mais au lieu de s'effondrer davantage, de petites pousses vertes perçaient la terre sèche. Chaque note jouée faisait naître une nouvelle pousse, chaque accord libérait un souffle de vie.
"La musique, ce n'est pas pour les autres", chuchota l'esprit vert. "C'est pour nous. Pour nous rappeler qui nous sommes vraiment."
Yuki regarda ses jambes briller de cette même lumière d'espoir. Elle comprit que sous les décombres de ses rêves brisés, sous la pression écrasante d'une société qui ne laissait pas de place à l'imperfection, quelque chose en elle résistait encore.
Nuit après nuit, elle retrouva son esprit d'enfance au piano. Les fissures de son monde ne disparurent pas – elles devinrent des jardins secrets où poussaient ses vraies aspirations. Elle apprit que guérir ne signifiait pas effacer la douleur, mais la transformer en quelque chose de beau.
Un matin, Yuki quitta son appartement avec son piano portable sous le bras. Dans le parc de Shibuya, elle s'installa et commença à jouer. Des passants s'arrêtaient, surpris par cette mélodie verte qui semblait faire pousser de l'espoir dans l'asphalte.
D'autres jeunes s'approchèrent, reconnaissant dans sa musique l'écho de leur propre solitude. Bientôt, ils furent plusieurs à partager leurs histoires, leurs rêves enfouis, leurs petites révolutions silencieuses contre un monde qui avait oublié la couleur de l'enfance.
Yuki avait appris que parfois, il faut descendre jusqu'aux racines pour retrouver la lumière. Et que la plus belle musique naît souvent dans les fissures du désespoir, quand on a enfin le courage de laisser pousser l'espoir.
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