Publié le 11 novembre 2017 par Spartan de DPS dans Histoire de l'art : Par thématiques - couleur, histoire, grec, histoire de l'art, pigments, romain - 6
Aujourd'hui, une toute nouvelle série d'articles sur la couleur, sa symbolique et son utilisation. Sujet complexe que la couleur, le sens diffère suivant les époques, les civilisations et les langues. Par exemple, dans certains pays, il n'y a qu'un terme pour englober tout un pan de couleur. En islandais, il n'y a que le mot "vert" pour désigner toutes les teintes de vert et de bleu. Le sujet se déroulera en trois parties, la première se concentrera sur la couleur dans l'histoire et donc l'histoire de celle-ci. La seconde sur les couleurs et leur symbolique, en prenant comme référence géographique l'Occident, dans un premier temps, puis en faisant un tour du monde. Et enfin, l'utilisation de la couleur aujourd'hui et les effets qu'elle produit sur une œuvre et sur nous-mêmes.
La couleur est une construction culturelle et complexe. Il est difficile de l'analyser dans sa globalité tant ses sens et ses utilisations sont fluctuantes. Il n'y a pas de vérités dans la couleur, chaque civilisation en donne sa propre interprétation. Cela est donc compliqué de projeter nos propres croyances sur les œuvres du passé comme nous ne vivons plus comme nos ancêtres.
Malgré tout, il est possible, dans une certaine mesure, de donner un historique de la couleur en prenant en compte la dimension sociale de l'époque étudiée.
Un peu d'histoire
Période préhistorique (-20000 av. J.-C. ~ -3500 av. J.-C.)
Remontons le temps jusqu'à la Pré-Histoire, époque qui voit émerger les premières utilisations de pigments colorés. Les peintures rupestres des grottes sont les témoins d'une première activité picturale. Bois carbonisé, charbon minéral, craie blanche, hématite (oxyde de fer), sont les matériaux de base des couleurs de l'époque : Le noir, le rouge et le blanc. Il s'agit là de ressources que l'ont retrouve à l'état naturel ou semi-naturel, et étaient mélangées en général à de l'argile et de l'eau (ou graisse), pour permettre une utilisation et une application plus lisse et facile sur les parois.
Les peintures étaient surtout animales, avaient une fonction représentatives d'un côté et symbolique aussi. La plupart du temps, elles trouvaient dans des grottes inhabitées. Plusieurs hypothèses sont avancées quand à leur utilisation, peut-être l'homme souhaitait transmettre des messages symboliques aux autres, perpétuer un mythe, ou encore avait une vocation chamanique.
Antiquité : Le bassin Méditerranéen
Égypte Antique ( 3150 av. J.-C. ~ 30 av. J.-C.)
L'utilisation de certaines couleurs, ou non, résulte aussi de l'endroit où se trouve les hommes. Certains matériaux peuvent se trouver dans des régions spécifiques. Chez les égyptiens antiques, la couleur est signifiée par "iwn", qui veut aussi dire "nature". La graphie est importante car elle nous apporte des éléments de compréhension. La couleur et la nature des choses sont intiment liées, elles sont à la fois la forme et l'essence de celles-ci. Les hiéroglyphes permettaient donc de matérialiser les mots mais aussi d'avoir une valeur phonétique.
La première couleur que les égyptiens ont réussi à synthétiser était le "Bleu égyptien", grâce à un mélange de silicium, calcium, cuivre et un fondant sodique. Le terme employé pour celle-ci est "irtyw", qui signifie "bleu" adjectivement parlant, mais aussi "couleur" comme elle fut la toute première créée. Parallèlement, ils fabriquèrent le "vert égyptien", qui annonce la résurrection et s'en servirent pour les amulettes protectrices. D'autres colorants suivirent et ils disposèrent d'une large palette colorée.
Les couleurs utilisées :
Le noir, symbolisant le royaume des morts mais aussi la fertilité, la renaissance, l'œil noir d'Horus, appelé œil "Oudjat" qui était synonyme de la lumière et de la connaissance. De plus, on l'utilisait comme maquillage, que ce soit chez les hommes ou chez les femmes.
Le bleu, qui avait plusieurs variantes, comme le bleu clair, ou le bleu sombre. Le bleu dans sa globalité signifiait la sexualité entre les êtres humains, la soumission ou encore l'infini. Il décore les cheveux de ceux partis dans l'éternité et orne fréquemment les tombes.
Le turquoise est la couleur de la vie et du monde aquatique.
Le blanc qui représente la pureté, la joie, le triomphe face à l'obscurité.
Le brun est la couleur de la peau des habitants de la région de l'époque : Les égyptiens et les égéens. L'homme avait la peau rouge et la femme, ocre. Les Nubiens, quant à eux, avaient eux la peau noire.
Le Jaune c'est l'or, le symbole du soleil à son zénith. Il représente la peau des dieux et a une forte valeur mystique.
Le Rouge s'oppose au blanc, elle est symbole de violence, de sang et de mort mais contre toute attente, aussi de victoire.
Le vert est la végétation, la bonne santé et la regénération. Elle vient partager et compléter les symboliques du noir.
L'utilisation de la couleur se fait par aplat, les couleurs ne sont pas mélangées, exceptée pour la période amarnienne (1353–1336 av. J.-C.) qui dérogera à cette règle. En Égypte antique, les couleurs sont donc symboles et essences des choses représentées.
Grèce antique (VIIIème av. J.-C. ~ IIème av. J.-C.)
Durant cette période apparaissent les premiers philosophes qui vont s'intéresser à la couleur de manière matérielle et immatérielle. Pour Platon, la couleur ne serait qu'un "ensemble de particules projetées sur l'organe de la vue". Son origine et son essence sont floues et énigmatiques pour les penseurs de l'époque. Aristote évoque, lui, un "mélange de lumière et d'obscurité, une atténuation de la lumière blanche initiale". Cependant, la couleur est considérée comme immatérielle et non une véritable substance. Ce dont les philosophes sont certains, c'est qu'elle relève du sensoriel et du sensible, elle flatte les sens. Dans la critique de Platon, elle servirait donc à tromper le monde, en projetant des plaisirs et des illusions aux hommes.
Un autre philosophe, Empédocle d'Agrigente (490-435 av JC), propose une approche différente. Pour lui tout découle de quatre éléments fondamentaux, l'air, le feu, l'eau et la terre. Il considérait alors que l'œil était un récepteur des images du monde extérieur mais aussi qu'il diffusait des ondes et agissait comment une lanterne. En lien avec les éléments, les couleurs fondamentales étaient le noir, le blanc, le rouge et le vert.
L'emploi de la couleur était soumis à l'interrogation de la mimésis. Il s'agissait de l'utiliser pour reproduire ce que l'on pouvait voir dans la nature. Mais, de plus, n'était-il pas question d'ornement, et de vouloir charmer l'œil du spectateur pour le détourner de la réalité ? La matérialité de l'ornementation pose la question du coût et de la valeur commerciale qui est indissociable de la peinture, même à l'époque. Le problème de la mimésis prend en considération l'opposition entre le dessin et la couleur. Le dessin ou l'esquisse serait l'âme de la représentation mais la couleur est susceptible de lui donner du relief et donc imiter le réel.
Quelles couleurs ?
Longtemps, la Grèce antique a longtemps été associée à la "Grèce blanche". Le phénomène de la couleur a été bien plus décrit dans les poèmes homériques anciens que pratiqué. Les historiens ont longtemps cru, de par l'absence de couleurs ou de certains mots en lien avec, que les grecs souffraient de problèmes chromatiques au niveau de l'œil ou bien de daltonisme. Il a fallu attendre le XVIIIème pour que les archéologues mettent à jour sculptures peintes, frontons de temples, frises, et invalident la théorie d'une "déficience de couleurs" durant cette ère.
Le Parthénon d'Athènes, aujourd'hui plus gris/blanc, n'a pas encore révélé tous ses secrets. Un nettoyage au laser a montré qu'il y avait des traces de pigments rouges, verts et bleus sur la frise à l'entrée. Ainsi la couleur était bien présente, elle n'a cependant pas survécu au temps.
Les couleurs que l'on pouvait retrouver fréquemment sont semblables à celles des égyptiens : Le jaune, le rouge, le noir, le blanc (couleurs humaines), ainsi que le bleu et le vert (couleurs de la nature) même si leur évocation était absente des écrits et des poèmes d'Homère. Au vue de ce qui a été retrouvé dans les tombes, on suppose donc que les grecs maîtrisaient déjà l'art des mélanges et du clair/obscur, dans une moindre mesure.
Enfin, au IIème av. J.-C., la situation politique se complique et la Grèce passe sous domination romaine.
La Rome antique, de la République Romaine à la chute de l'Empire Romain (753 av. J.-C. ~ 479)
Les Romains s'intéressent de très près à la peinture, elle est pour eux l'art par excellence, là où les grecs lui préféraient la sculpture. De par leur proximité géographique, ils ont aussi souffert du mythe du "blanc". Les philosophes de cette partie du monde se regroupent, échangent et partagent leurs savoirs. Ainsi on peut retrouver des idées, des confrontations entre les grands esprits grecs et romains. Pline l'Ancien, naturaliste et écrivain romain, parle de la couleur dans son ouvrage "Histoire Naturelle", qui regroupe en 37 livres le savoir de l'époque. Il décrit que cette période colorée est dominée par le pourpre obtenu grâce aux coquillages murex et purpura, d'où il tient son nom, ainsi que le rouge vermillon qui provient du cinabre. Le pourpre est considérée comme "Color Officialis" et vient correspondre au pouvoir. Elle s'oppose au bleu qui était associée aux barbares, Celtes et Bretons du nord de l'Europe.
Les traces qu'il reste de cette période ont été conservées dans la lave, à Pompéï, grâce à l'éruption du Vésuve. La lave a permis de cristalliser et conserver parfaitement les œuvres de cette période.
On peut remarquer cette omniprésence du rouge et du pourpre qui ornait à l'époque les murs des maisons nobles. Même si le bleu était associé aux barbares, les romains ne se privaient pas d'utiliser les variantes telles le turquoise, ou le lapis, qu'ils achetaient à prix d'or en Orient. La période pourpre verra sa fin bien après la le chute de l'Empire Romain en 476, avec la chute de Constantinople en 1453. Par conséquent, elle a traversé les âges, témoignant du passé faste des romains d'autrefois.
La couleur est un sujet complexe, je ne suis restée là qu'en surface pour vous donner les grandes lignes. N'hésitez pas à vous renseigner sur les différentes approches du phénomène coloré. Cela vous permettra de comprendre un phénomène perçu différemment par chaque culture. Le prochain article sera consacré à la période du Moyen-Âge jusqu'au XXème siècle.
6 commentaires
Wade Modegnar le 11 November 2017
C'est vraiment super cool, de plus ça me fait des révisions en soi car c'est exactement ce que je vois en licence, c'est juste et les images sont là pour illustrer, parfait et intéressant, au poil. hâte de voir la suite ^-^
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KOKORO le 13 November 2017
Super Article, très intéressant pour moi qui suis novice dans le sujet.
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Ganakel le 13 November 2017
Super @Aliz et une très bonne idée merci .
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Aelia le 13 November 2017
Très intéressant @aliz ! Merci ++ d'avoir pris beaucoup de ton temps pour préparer puis partager tout cela avec nous !
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Darco le 17 November 2017
Très intéressant grand merci et hâte de lire la suite :D
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Yun77 le 23 November 2017
Très bon article, très intéressant. Quand est ce qu'on passe du vert au bleu ? du rouge à l'orange, et au marron ? Il y a qch de très subjectif dans le choix des mots pour désigner les couleurs, et quand on rajoute les pb de langues là dessus...
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